Tout peut aussi très bien se passer...

 

 Même avant d'être enceinte, je savais que je voulais allaiter.

 Rien de plus précis que cela mais je savais que je voulais faire cette expérience. Lorsque l’idée d’un bébé se fait plus précise, je me rends compte en faisant quelques recherches sur le sujet que là encore, même si c'est une pratique qui paraît pourtant assez naturelle (nous sommes des mammifères tout de même), l'allaitement est loin d'être un long fleuve tranquille.

 De plus, je connais peu de personnes dans mon entourage qui ont allaité. J’ai moi-même été allaitée quelques mois, mes grands-mères ont allaité leurs enfants, mais je n’ai pas souvenir d’avoir vu une femme allaiter un enfant.

 Plusieurs questions me viennent en fonction de ce que j’ai entendu ici ou là : vais-je pouvoir allaiter mon bébé ? aurai-je assez de lait ? est-ce que ça fait mal ?

 En cherchant un peu, je réalise que ces questions sont celles de beaucoup de femmes mais que surtout ce sont des idées reçues sur l’allaitement.

 Me renseigner sur le sujet va me rassurer. Je prends assez vite contact avec l’association de soutien à l’allaitement qui existe dans ma ville.


 Au fil de ma grossesse et de mes lectures, je deviens assez vite « béton » sur le sujet…en théorie en tout cas ! Je mets toutes les chances de mon côté et je n’achète ni lait en poudre en prévision ni biberon, ni tétine pour éviter la confusion sein/tétine que je redoute. Mais je suis équipée en vêtements et lingerie d’allaitement !

 Il y a dans ma valise de maternité le livre de Marie Thirion, 'l’allaitement maternel", une bonne crème à la lanoline, des coques d’allaitement pour les premiers jours, des coussinets d’allaitement.

 W. me soutient énormément dans mon projet, pour lui l'allaitement est également une évidence.

 C'est ensemble que nous prenons la décision d'un congé parental d'éducation de 6 mois pour que je puisse mettre en route sereinement l'allaitement de notre fille mais aussi pour nous donner le maximum de chance de poursuivre cet allaitement à la reprise du travail.

 Arrive le jour de l’accouchement, la naissance est magique même si l’accouchement est long.

 Tout se passe idéalement pour que l’allaitement démarre bien : je ne suis pas séparée de ma fille, elle est posée sur moi en peau à peau pendant les deux heures qui suivent sonarrivée. La mise au sein n’est pas forcée, elle commence tranquillement à téter un peu mais est plutôt intéressée par ce qui se passe autour ! Elle passe les prochaines 18 heures à dormir. Nous nous inquiètons qu’elle ne tête pas encore. N’ayant pas été aspirée lors des soins, il lui reste des glaires qui l’encombrent un peu. Vient le soir, elle n’a toujours pas pris de réelle tétée. Nous sommes quelques peu inquiets. A plusieurs reprises, on me propose de la prendre pour la nuit à la nurserie (mon accouchement a été long et le fait que je n’ai pas eu de péridurale a l’air de jouer en ma défaveur : pour le personnel, je dois être très fatiguée et ne suis peut-être pas au mieux de ma forme pour m’occuper de ma fille). Je refuse, même si on m’assure qu’on me la ramènera si elle veut téter. Je ne veux pas. Je veux rester avec elle, la mettre au sein aussi souvent que je le jugerai nécessaire.

 Je demande néanmoins de l’aide, j’aimerais qu’on vérifie la position de ma fille lors d’une tétée. Je sais que les crevasses sont souvent occasionnées par une mauvaise position, et j’aimerais les éviter ! Mais le personnel de la maternité est débordé (le service est plein pour cause de déclenchements assez nombreux avant les fêtes de Noël).

 Personne ne vient, même après avoir sonné plusieurs fois au corus de l’après-midi et de la soirée. W. est rentré à la maison depuis peu. Mais Sigried commence à bouger, elle se réveille. Je sors mon bouquin, le déplie sur mes genoux à la bonne page, je prends ma fille dans les bras, et j’essaye de mettre en application mes connaissances théoriques à l’aide du livre !

Je suis rassurée quant à ses capacités de succion ! Elle est très douée ma petite fille !

 Elle a une force de succion que je trouve impressionnante. Elle tête beaucoup cette nuit là.

 Au moindre signe d’éveil je lui propose de téter. La montée de lait arrive dès le lendemain, et ce sans aucune douleur, ni tension dans les seins. Elle est mise au sein tellement souvent que la montée de lait se fait sereinement apparemment. Le fait d’avoir accouché en plateau technique m’épargne la corvée de noter l’heure et la durée des tétées (cela se fait dans la maternité pour les autres mamans).

C., ma Sage-femme vient me voir le lendemain, je lui demande de vérifier la position de la petite, tout est parfait ! Elle tète comme il faut. Je suis ses conseils : crème à la lanoline, goutte de lait en fin de tétée sur le sein et laisser sécher à l’air libre. Pas de crevasse à l’horizon, juste une petite irritation due aux nombreuses tétées du commencement. Ça passera en quelques jours. 

 Pourtant lors du séjour à la maternité je n’échapperais pas aux injonctions d’aller chercher des bouts de seins en silicone à la nurserie alors que personne à la maternité n’a vu ma fille téter, ni si mes seins étaient abîmés. Bien entendu, je ne suis jamais allée les chercher, puisque je n'en avais pas besoin, toujours d'après Marie Thirion !

 Je n’aurai pas non plus échappé à l’épée de Damoclès du biberon de complément lorsque ma fille fut pesée le lendemain soir de sa naissance et qu’une perte de poids (normale) fut constatée. On me dira de ne pas, je cite, « laisser ma fille mourir de faim ». Heureusement, je n’ai pas paniqué plus que cela. Au fil de mes lectures, j’avais été prévenue que ce genre de choses pourraient être dites. Par ailleurs, C. avait été très rassurante quelques heures avant quant à l’état de santé de Sigried. Pour elle tout allait bien, elle aurait vite repris son poids de naissance.

 Et elle le rattrapera effectivement le troisième jour. Elle n’est donc pas morte de faim finalement…
 Lors de la visite de sortie, on me conseille également de bien allaiter ma fille à la demande...toutes les trois heures !


 Lors d’une visite chez un médecin aux 10 jours de Sigried (on s’inquiétait de ses petites régurgitations et de quelques tortillements), je n’échapperais pas non plus à la proposition de lui donner des biberons de lait hypoallergénique (je ne sais pas ce que c’est !) pour vérifier qu’elle n’a plus faim après la tétée, et que j’ai assez de lait.

 Quand le médecin a vu notre tête à cette idée, il n’a pas insisté davantage ! Notre fille mouillait bien ses couches, était tonique, avait (et a toujours !) de bonnes joues, un nouveau pli sur les cuisses et sur les bras apparaissait chaque jour, nous n’étions donc pas inquiets concernant sa prise de poids, quand bien même nous n’avions pas de balance à la maison !

 La première visite mensuelle confirme cela et va même au delà de ce que l’on pensait : Sigried a pris 1,2 kg et 5,5 cm en 1 mois (sans compter la perte de poids d’environ 10% du début).

 Je pense donc qu’elle avait assez de mon lait et que celui-ci était assez « nourrissant »… 


 Quand je lisais certains témoignages idylliques concernant l’allaitement, je me disais que ces femmes en rajoutaient un peu. Et bien non. Les hormones libérées au cours de la tétée y sont sans doute aussi pour quelque chose, je suis une droguée à l'ocytocine maintenant !

 C’est réellement merveilleux d’allaiter son enfant lorsque cela se passe sans encombres, comme ce fut notre cas.

 Bien sûr, il y a toujours des doutes parfois, des questionnements et c'est là que je me rends compte que c'est un projet de couple d'allaiter. W. est toujours là pour me rassurer et m'épauler. Il dit d'ailleurs assez souvent, sans s'en rendre compte, aux gens qui posent la question : "oui, on allaite Sigried" !

 Sigried a 6 mois dans quelques jours, elle est toujours allaitée exclusivement, n’a jamais eu ni biberon, ni tétine dans la bouche et nous espérons que cela durera encore longtemps…

 Forte de cette expérience réussie, mes positions concernant l'allaitement sont maintenant plus tranchées. Dans la plupart des cas, c'est très facile d'allaiter lorsqu'on est bien renseigné, ce n'est pas fatigant d'allaiter (surtout si on pratique le sommeil partagé), ce n'est pas contraignant d'avoir toujours son enfant avec soi (si on maîtrise le portage en écharpe ou en porte bébé physiologique).

 D'ailleurs lors de mes lectures sur le sujet, la notion de "bienfaits de l'allaitement" me dérange. On ne devrait pas avoir besoin de dire que l'allaitement est bénéfique ou est meilleur que le lait en poudre pour la mère et l'enfant. Pour un petit humain, il paraît  en effet évident que le lait humain est plus en adéquation avec ses besoins que du lait de vache modifié. 

 Partant de cette constatation simple,  l'allaitement, et plus particulièrement l'allaitement long, ne devrait pas être taxé dans nos sociétés de nouvelle mode, d'affaire de lobbies intégristes ou extrémistes, ou encore de régression sociale.

 L'OMS (Organisation Mondiale de la Santé ) et toutes les sociétés de pédiatrie française et étrangères  préconisent  "un allaitement exclusif jusqu’à six mois, puis avec une alimentation diversifiée jusqu’à deux ans ou plus ».

 Cette recommandation scientifique est réfléchie et directement issue de la connaissance des bénéfices santé pour le bébé et sa mère. 


 Chacun ensuite est bien entendu libre, et cette décision devrait être respectée, de faire son choix d'allaiter ou non, en connaissance de cause.

Page mise ŕ jour le 14/07/2009